Dynamiques et ruptures
Les recherches ont permis d’identifier dans l’histoire de la vallée des phases répétées de ruptures et d’évolution longue, et ce, dès le Néolithique. La phase la mieux connue correspond au cycle de la métallurgie du fer, initié au moins durant l’Antiquité mais qui marque fortement l’organisation du territoire à partir des XIe-XIIe siècles. Les XVIIIe et XIXe siècle représentent la phase à la fois d’apogée et de crise du système, et une rupture majeure se place au milieu du XIXe siècle, avec la fin de la métallurgie « à la catalane ». Au même moment, commence un exode rural qui va s’accélérer par phases successives jusqu’à la fin du XXe siècle. Des politiques publiques nouvelles sont instaurées (reboisements RTM). En 1906 commence un nouveau cycle métallurgique, celui de l’aluminium, favorisé par la disponibilité en énergie hydraulique ; ce cycle s’est achevé en 2006, avec la fermeture et le démantèlement de la dernière usine tandis que l’économie agro-pastorale, qui s’était maintenue jusqu’aux années 1940, s’effondre pour aboutir à une quasi-disparition des éleveurs, malgré des politiques destinées au soutien à l’élevage (mesures agri-environnementales, reconquête de terroirs, …). Cette dernière rupture, caractérisé par un abandon agro-pastoral et un arrêt de toute activité industrielle, débouche sur un nouveau cycle d’incertitudes, qui laisse une société en crise, des pollutions durables, une urbanisation où le démantèlement de l’usine produit une marque chaotique.
Le poids des héritages
6 000 ans d’anthropisation ont laissé dans la vallée un ensemble d’héritages complexes et anciens qui pèsent sur les évolutions en cours ou futures : - d’immenses espaces pastoraux, construits en grande partie du Néolithique à l’Antiquité tardive, caractérisent les paysages du Vicdessos ; en dépit des phases de surexploitation, leur stabilité est attestée sur une très longue durée. Sols et végétations ont été durablement transformés dans un processus complexe d’appauvrissement et d’enrichissement, tant au niveau spatial qu’historique. - les cycles métallurgiques ont profondément marqué l’environnement et la société : déboisement provoqué par la surexploitation de la forêt pour le charbonnage (lequel a entraîné indirectement un enfouissement massif de charbon dans les sols), pollutions anciennes (par la sidérurgie du fer) ou récentes (par celle de l’aluminium), structuration de l’urbanisme, maintien d’une population importante aujourd’hui frappée par le chômage. Le cycle de l’aluminium s’est accompagné d’une mise en valeur précoce et intensive du potentiel hydro-électrique, qui en fait un des sites les plus importants des Pyrénées ariégeoises. - les politiques de reboisement et de lutte contre les risques naturels, depuis la fin du XIXème siècle, ont créé un des plus grands périmètres de reboisement et restauration des terrain en montagne des Pyrénées ; ces peuplements artificiels, qui arrivent à maturité voire sénilité, sont difficiles à maintenir mais participent aussi de la dynamique de recolonisation forestière (dispersion de porte-graines).
Un questionnement prospectif : quel avenir pour ce territoire et ses ressources ?
Dans le contexte de la rupture contemporaine, quatre phénomènes principaux guident les dynamiques des ressources environnementales et territoriales : - l’étalement urbain gagne aujourd’hui la vallée, qui est proche du val d’Ariège (train, voie rapide) et des centres urbains ou touristiques locaux. Fonds de vallée et versants exposés au soleil représentent les sites privilégiés de construction, tandis qu’une réoccupation / restauration intensive des habitats villageois est en cours. Quelles transformations sociales dans le contexte de désindustrialisation-touristification, renouvellement de la population dans l’axe de la vallée, transformation des villages périphériques en habitat secondaire ? - l’agro-pastoralisme semble condamné, mais l’ampleur des espaces pastoraux permet d’espérer conserver un patrimoine historico-environnemental durable, probablement pendant des décennies ou des siècles. Ce postulat reste cependant à vérifier, surtout en raison des nouvelles dynamiques qui touchent les espaces supraforestiers, dues au sous-pâturage, au réchauffement climatique, à l’expansion des peuplements forestiers secondaires devenus adultes, etc. Quelle est la durabilité à court et moyen terme de cette ressource plurimillénaire ? - l’eau, l’hydroélectricité représentent des ressources apparemment stables, qui fournissent à l’heure actuelle la majeure partie des ressources financières de la communauté de communes. Mais la dynamique actuelle de réchauffement, de diminution des apports neigeux et de sécheresses répétées fait peser une incertitude sur la disponibilité future de la ressource. - le tourisme apparaît comme une des seules activités pouvant être développées dans les années à venir, mais les perspectives peuvent sembler limitées dans une vallée en marge des principaux centres touristiques de l’Ariège et dont les villages n’ont pas la qualité patrimoniale des vallées des Pyrénées centrales et occidentales. Le patrimoine naturel reste cependant un atout important, mais en évolution rapide. Photocomparaison de la vallée de Sem (1910 – 2000) : une exemple de dynamique de reforestation rapide consécutive à l’abandon des pratiques agro-pastorales.